SportsTahiti MAG’ : Denis Grosmaire, l’appel des profondeurs

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Vendredi 17 Janvier 2020 – Il est en quelque sorte un pionnier dans sa discipline. Denis Grosmaire se plaît là où peu de personnes se sont déjà aventurées. Il a commencé par la chasse sous marine, mais attiré par les profondeurs, il s’est doucement redirigé vers l’apnée. Un sport dont il est le seul représentant Polynésien à l’international. Son record personnel, -95m en immersion libre, une profondeur qu’il a atteinte l’an dernier, alors qu’il débutait sa préparation pour les championnats du monde. Il prépare un des événements les plus prestigieux, le vertical Blue qui se déroulera aux Bahamas entre le 24 juin et le 4 juillet 2020. Pour cela, il se prépare seul comme il l’a toujours fait. Rencontre avec Denis Grosmaire, l’apnéiste des îles.

Comment ça a commencé l’apnée pour toi ? 

Ayant grandi dans les îles avec ma mère et mes frères, je pratique la chasse sous-marine depuis mon plus jeune âge. Avant de faire de l’apnée, je chassais sur 25m max et je me demandais toujours comment les champions d’apnée faisaient pour descendre aussi profond et rester si longtemps sous l’eau. J’ai commencé à commander des bouquins sur le net mais sans vraiment mettre en pratique. Plus tard en 2016, j’ai décidé de quitter mon travail pour partir à Villefranche sur mer me former afin d’ouvrir une école d’apnée à Moorea. J’ai trouvé l’idée intéressante de proposer une activité supplémentaire sur Moorea et de partager mes connaissances avec les autres. Là bas, j’ai participé à ma première compétition d’apnée avec une profondeur de -68m en immersion libre. Cette première compétition m’a donné envie de progresser davantage et de participer à d’autre compétition et bien sur de représenter Tahiti dans cette communauté.

Qu’est-ce qui te plait dans ce sport et plus généralement qu’est-ce que ce sport t’apporte et apporte à la société selon toi ?

« Au niveau de la chasse, l’apnée m’a permis de progresser en profondeur et en temps d’apnée, même si je ne suis pas un chasseur profond. Ensuite, je peux dire que les sensations de la profondeur sont unique avec, pour ma part, un effet de narcose plutôt positif et agréable. Comme beaucoup d’apnéistes de profondeur, j’ai envie d’aller encore plus profond et de découvrir de nouvelles sensations. J’aime la préparation physique et mentale que je m’impose ainsi que l’hygiène de vie à suivre lors des entrainements et compétitions. Je prends beaucoup de plaisir aussi à former les jeunes chasseurs aux risques d’accidents en chasse sous-marine. J’ai formé plus de 800 personnes à ce jour et c’est toujours le coeur sur la main que je le fais car je suis touché lorsque j’apprends la disparition d’un chasseur. Alors si je peux contribuer à limiter ces accidents, c’est une belle satisfaction, et je me sens utile à la société. »

Tu es allé t’entraîner à l’étranger en début d’année, un entraînement intensif, peux -tu nous faire un bilan de cet entraînement.

« Comme je voulais vraiment représenter Tahiti aux championnats du monde CMAS et AIDA 2019, il fallait que je m’entraine intensément. Mon super ami et champion de France, Thibault GUIGNES, qui vient de descendre à 117m, m’avait invité à m’entrainer avec lui dans son club Freediving HQ aux Philippines.

En décembre 2018, j’ai eu une grosse blessure qui m’a immobilisé un bon moment, mais j’ai récupéré assez rapidement et j’ai décollé pour les Philippines début mars pour deux mois d’entrainement. J’ai pris l’avion avec ma béquille car il fallait vraiment que je commence ma préparation pour être prêt pour les mondiaux. L’entrainement se passe bien et la blessure ne me gêne plus trop. Je termine mon entrainement avec une plongée à -95m en immersion libre que je réalise en 3’50, ce qui m’a bien motivé pour tenter -100m le lendemain. Le soir même, je prends mes protéines végétales, je me pose et je fais une grosse séance de visualisation et de détente. Je suis enfin prêt à franchir la barre mythique des 100m. Le lendemain matin je ne change pas mes habitudes, je prends mes compléments alimentaires sans rien manger d’autres et je fais une longue séance de stretching. Je suis mentalement et physiquement prêt (je communique beaucoup avec ma famille à distance et ça me réconforte). La ligne est à -100m, je quitte la surface très confiant sauf qu’un fort courant sous-marin à -60m fait remonter la corde à 45° ce qui m’oblige à faire demi tour. Je me dit que j’ai encore une chance avant de reprendre mon avion. Ainsi, le lendemain, je réessaye dans le même état d’esprit, mais le courant est encore là à -60m. Déçu mais heureux pour mes -95m et confiant pour la suite, je rentre à la maison le lendemain retrouver mes proches. »

Est-ce que tu pratiques d’autres sports mis à part l’apnée et qui t’aident à progresser ?

« Ma préparation hors apnée c’est beaucoup de natation avec des grosses séances d’hypercapnie à intensité variable, j’aime nager de longues distances de 3 à 4 heures en respirant le moins possible. Cet entraînement me permet de travailler les muscles, le cardio et surtout le CO2, mais aussi de me détendre tout en admirant le monde sous-marin. Je surf et je chasse dès que je peux et je plonge beaucoup avec des gros requins, le requin tigre particulièrement, cela me permet de me déconnecter complètement et de faire le vide donc d’avoir de l’énergie. Je fais aussi un peu de workout mais sans trop prendre de muscle, juste pour avoir de la tonicité. En prépa compétition, je dédie de longues séances au stretching de la cage thoracique et du diaphragme et d’autres au travail de visualisation. Enfin, lorsque je ne veux pas plonger profond, je fais des descentes vers 40m avec les poumons vides. »

Qu’est-ce que tu penses de l’apnée en Polynésie ?

« D’une part, l’apnée va évoluer car beaucoup de personne s’y intéressent, ne serait-ce que pour apprendre à respirer, ou alors les chasseurs qui veulent progresser. Nous travaillons d’ailleurs avec la Fédération Tahitienne de Sports Subaquatiques en Compétition sur la mise en place d’un brevet professionnel Chasse/Apnée/Nage avec palmes. Cela permettra de mieux structurer les clubs et donc de faire une meilleure promotion de ce sport. D’autre part, je pense que les locaux sont capables de faire de belles performances car ils ont la connexion avec l’océan et très souvent un gros bagage en chasse sous-marine. Parmi les chasseurs que j’ai formé, il y en a qui ont un bon niveau et qui maitrisent rapidement les techniques pour progresser. Et avec tout ça, il n’est pas impossible qu’un jour la Polynésie accueille un championnat international d’apnée. L’histoire montre que le polynésien est très fort dans son élément comme Jean TAPU. »


Rubrique ATN Ambassador

Comment est-ce que tu as fait pour devenir un ambassadeur ATN ?

« A la suite de ma performance de -93m j’ai été classé 5ème au niveau national en immersion libre, j’ai demandé un soutien à ATN pour l’année 2019 pour participer à des entrainements spécifiques et à 2 mondiaux. Demande qui a été accepté à la suite d’un entretien avec la direction d’ATN pour mettre en avant ma motivation, mon image et démontrer que j’étais capable de bien représenter la compagnie. Ma motivation était aussi de promouvoir la Polynésie à travers l’apnée, et à ce jour, j’ai de très bons retours à ce sujet puisque beaucoup d’apnésites viennent chez nous. »

Qu’est-ce que ça représente pour toi ? quelles responsabilités ?

« C’est un soutien qui est très important car il me permet de garder ma motivation pour aller représenter Tahiti aux compétitions internationales et puis c’est toujours une image positive d’avoir un tahitien présent dans cette communauté d’autant que notre destination est un rêve pour beaucoup d’apnéistes. L’eau est chaude, claire et la faune et la flore marine exceptionnelle. Lors de mes déplacements, je suis toujours heureux de promouvoir notre destination comme l’endroit parfait pour plonger en plus avec des baleines et des requins. »

Un conseil pour les sportifs ?

« Il faut monter un dossier et démontrer qu’on est capable de porter le statut d’ambassadeur à travers le monde chacun dans sa discipline, il faut faire ses preuves et ne pas baisser les bras, si les résultats sont là et qu’ils correspondent aussi à la politique des ambassadeurs ATN. »

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Boyo

l'auteurPN

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